
Les origines du fief de Villars (XIIIe siècle)
La première mention documentée de Villars date de 1257, lorsque Bernard de Villars renouvelle son hommage à la comtesse Mathilde II de Nevers, affirmant détenir le fief depuis 1247.
La construction de la forteresse (début XIVe siècle)
Le château actuel ne correspond pas à la maison forte initiale, mais à une forteresse probablement érigée vers 1300. L’hypothèse est que le roi de France y fait bâtir une forteresse pour affirmer sa domination. Sa structure correspond au plan dit "philippien" : quatre tours rondes, deux tours carrées centrales, un porche avec pont-levis, le tout ceinturé de douves. Les matériaux modestes, le réemploi de pierres d’une maison forte antérieure, la présence de carrières et de sources sur place témoignent d’une construction rapide, économique et militaire.
Les conflits armés et la forteresse disputée (XIVe–XVe siècles)
Villars est pris par les Anglais en 1360, en pleine guerre de Cent Ans. Ils n’acceptent de partir qu’en échange d’une forte rançon. Plus tard, au XVe siècle, le château est disputé entre Armagnacs (fidèles à Charles VII) et Bourguignons (alliés aux Anglais). La forteresse est assiégée par les canons de Nevers.
De la féodalité à la propriété privée (XIVe–XVIIIe siècles)
Depuis le XIVe siècle, le fief passe de main en main via le droit de retrait perpétuel. En 1594, Henriette de Clèves, duchesse de Nevers, accorde enfin à Pierre Dufour conseiller fidèle et maître des comptes à Nevers, la pleine propriété héréditaire du château après les hésitations de ce dernier à accepter ce don en raison de la clause du retrait perpétuel. Dès lors, Villars sort définitivement du régime féodal.
La famille Dufour conserve le château sur trois générations, avant qu’il passe par mariage à la famille Le Forestier. Quatre générations des le Forestier s’y succèdent (1651–1813), militaires de carrière et parfois proches de la cour.
Au XVIIIe siècle, le confort devient une priorité. Le château fort est peu compatible avec l’idéal de vie noble, et des plans sont établis pour un nouveau pavillon lumineux, à l’italienne.
XIXe siècle : vers une nouvelle ère
En 1813, Pierrette Le Forestier épouse le marquis Albert de Bouillé, général dans les armées impériales. Ensemble, ils ouvrent une nouvelle page familiale.
À une époque où la France se transforme, Charles de Bouillé leur fils ainé choisit une voie singulière et visionnaire : faire du vieux château familial de Villars non pas un lieu de prestige mondain, mais l’écrin d’une ferme modèle, où l’agriculture devient un art rationnel, productif et moderne.
En 1837, fraîchement diplômé en droit, il tourne le dos aux carrières de la bourgeoisie traditionnelle pour se consacrer à la terre. Convaincu que l’agriculture peut allier intérêt national et prospérité personnelle, il reprend le domaine familial et y implante une stratégie inédite : spécialisation, sélection génétique, organisation rigoureuse.
Dès le départ, le vieux château devient le cœur battant de l’exploitation. Les anciennes dépendances sont restaurées ou transformées : les écuries voûtées, les vastes fenils, la porcherie, les logements des ouvriers, tout est repensé pour optimiser le fonctionnement agricole. Chaque pierre ancienne est mise au service d’une idée neuve : produire mieux, avec méthode et ambition.
Charles abandonne les chevaux d’apparat pour des chevaux de trait puissants et utiles. Il agrandit le domaine de 53 à 124 hectares, redessine les parcelles et les fossés , crée des chemins, plante des haies, rationalise les cultures au profit du bétail. Il nourrit huit chevaux et quatre bœufs de travail, et fait tout pour que chaque hectare serve à l’alimentation animale.
Sa vacherie devient emblématique : Charles améliore la race Charolaise-Nivernaise, refuse les croisements avec les races anglaises, et obtient de nombreux prix dans les concours. En 1864, il fonde le Herd Book charolais, premier registre bovin français, assurant la pureté et la renommée de la race à l’international.
La porcherie, installée au nord de la cour du château, accueille les meilleures races anglaises. Son élevage est primé dès 1851 à Versailles.
Charles applique les mêmes principes à la bergerie, où il introduit le mouton Southdown importé d’Angleterre. Entre 1857 et 1862, son troupeau décroche 26 médailles d’or et trois coupes.
L’organisation sociale de la ferme est tout aussi méticuleuse. Il loge sur place 12 domestiques permanents, dont une ménagère chargée de la gestion quotidienne. Il veille aux salaires, aux conditions de travail, et à l’autonomie alimentaire de sa communauté.
Dans les années 1870, devenu président de la Société d’Agriculture de la Nièvre, Charles relance l’élevage équin en créant le Stud Book du cheval de trait Nivernais, menant un long combat contre les puissants haras normands. Son cheval noir, "la bête superbe", devient l’objet de sa dernière croisade.
Enfin, dès 1871, il s’engage politiquement. Élu député, puis sénateur, il milite pour la création d’un ministère de l’Agriculture et pour un enseignement agricole indépendant, fondant notamment l’Institut National Agronomique en 1876.
Jusqu’à sa mort en 1889, le château de Villars reste le symbole vivant de cette révolution : un lieu où tradition et innovation s’unissent au service d’une agriculture moderne et efficace.